Poser, danser, s'habiller, faire du voguing ou du cruising : le travail de Jimmy Robert aborde différentes formes de mouvement, que ce soit dans l'art, la culture queer ou l'espace public. Le mouvement n'est pas neutre, il dit toujours quelque chose de la personne. Il est dirigé, uniformisé et devient ainsi un signe distinctif de la société. En tant que bâtiment public, la Kunsthalle impose elle aussi différents mouvements par son architecture : Après avoir flâné dans le parc du XIXe siècle en empruntant l'escalier en pierre et en pénétrant dans le bâtiment Art nouveau, on monte à l'intérieur vers les salles d'exposition en empruntant l'escalier représentatif en marbre qui mène à la salle principale et on se promène dans la succession de pièces du White Cube.
L'exposition commence ici avec une nouvelle production installative conçue par Jimmy Robert en collaboration avec le studio Diogo Passarinho. Grâce à de grands murs de miroirs, elle place tout d'abord le spectateur au centre de l'attention. L'architecture labyrinthique formule une scène avec une zone de coulisses, un vestiaire, un nouvel espace et un trompe-l'œil. Elle transmet un vide intime dans l'espace d'exposition de l'institution publique, dans lequel les visiteurs* sont d'abord confrontés à eux-mêmes. Dans ce setting, le titre de l'exposition All dressed up and nowhere to go pose la question de l'appartenance, de la position que l'on occupe et de son propre regard et de celui des autres. Les idées de vêtements comme costume, habillage et déshabillage, scène et coulisses sont le fil conducteur de l'installation et de la série de photos réalisées sur place. La performance est ici disséquée dans le temps et dans l'espace et peut être vécue comme une installation et comme le lieu d'un événement décalé dans le temps.
L'exposition présente de manière chronologique l'œuvre multimédia de l'artiste des 20 dernières années à travers des performances, des photos et des films anciens et actuels, et met à jour un réseau de thèmes récurrents. L'accent est mis sur le corps, le regard et l'espace. La plupart du temps, c'est son propre corps que l'artiste met sans cesse en relation avec ces structures extérieures, s'y adaptant et les racontant à nouveau. C'est ainsi que l'on prend conscience des dynamiques de la visibilité et de l'attribution : quelle est l'histoire et la socialisation des regards, quels sont les lieux ? Comment le regard et le lieu structurent-ils l'être ?
Pour Robert, le corps est le lieu où l'intérieur et l'extérieur se rencontrent. Il est à la fois exposé aux politiques du regard extérieur et un corps politique, jugé en fonction du genre, de la race et de la sexualité. Des œuvres de performance et de cinéma comme Brown Leatherette (2002), Vanishing Point (2014) et Imitations of Lives (2019) montrent cette confluence entre l'espace social, l'architecture et le corps. Ils construisent la structure de l'acteur* et du spectateur*, de l'espace et du mouvement en relation avec le lieu et son histoire.
L'équipe de la Staatliche Kunsthalle Baden-Baden aborde ces concepts et notions complexes dans son livret d'accompagnement gratuit et dans des visites thématiques correspondantes. Un glossaire aide en outre à situer les références et les citations de Robert. Les visiteurs* seront ainsi initiés à des notions telles que la queerness, l'empowerment, la gaze, l'othering et la créolisation, et pourront comprendre leur signification pour les œuvres de l'exposition.
Commissaires d'exposition : Christina Lehnert et Çağla Ilk